jeudi 25 juillet 2013

J'ai fait Sciences Po


Fraichement diplômée de Sciences Po[1], il m’est venu à l’esprit que je n’avais jamais parlé de mes études sur cette interface. Mieux vaut tard que jamais, comme dirait l’autre.

Pour ceux qui ne le sauraient pas, j’ai étudié de septembre 2007 à juin 2012 à Sciences Po Toulouse[2]. La preuve en image, woop woop :


Quand on lance « je sors de Sciences Po » au détour d’une conversation, cela a toujours son petit effet. Moins de 10% d’admis aux concours, les meilleures études généralistes pluridisciplinaires de France, parcours tourné vers l’international, enseignement de qualité ; bref, la totale. La Rolls des études de sciences – de sciences molles, s’entend.

Sans pour autant renier tout mon cursus universitaire, je tiens à nuancer ce portrait idyllique car je me sens toujours un peu imposteur en constatant le regard admiratif de certains.

Pendant mes études, j’ai pris beaucoup de recul sur le contenu de mes cours. Traduction : j’ai allégrement craché sur Sciences Po. Je trouvais que c’était beaucoup de blablas, pour ne pas dire de la masturbation intellectuelle dans les règles de l’art. Mais je vais trop vite.

Commençons par décrire le cursus. Les deux premières années sont très générales pluridisciplinaires, avec quatre dominantes : droit, éco, socio, et histoire. La troisième année, vous la connaissez, c’est l’année de mobilité. Les deux dernières années, enfin, sont les années de master. Nous intégrons le parcours de notre choix, il y en a une quinzaine, réunis en quatre grands domaines : les métiers de l’action publique, le domaine « Economie, développement, et relations internationales », le domaine « Gestion des risques et lutte contre les discriminations », et enfin le domaine « médias, communication, culture et société de la connaissance ». Bref, tout un programme. Je vous épargne les noms de parcours, qui sont tout autant alambiqués.

A l’origine, Sciences Po durait trois ans, voire quatre. C’était une prépa pour entrer dans des écoles prestigieuses, passer les concours de la fonction publique, intégrer des masters spécialisés. Puis Sciences Po s’est s’adapté à la réforme de l’Union Européenne Licence-Master-Doctorat (bac +3-5-8), et se fait désormais en cinq ans.

A mon avis, c’est là que le bât blesse : les deux premières années sont franchement passionnantes. Bon, je serais de mauvaise foi si j’affirmais que j’avais toujours le sourire aux lèvres en allant en cours, et ce serait une grosse imposture que de prétendre avoir été assidue au cours « d’Anthropologie des Représentations » (oui, Messieurs-Dames, on a eu droit à ça. Tout ce dont je me souviens du cours est que j’ai gagné un pari en réussissant à placer « poulpe » dans ma copie de partiels. Intelligent.). Cependant, les cours sont variés (toujours dans cette logique de généra…pluridisciplinarité), la charge de travail suffisante pour apprendre à être efficace mais pas lourde au point de nous empêcher d’avoir des activités extérieures. On apprend une multitude de choses, dont beaucoup je vous l’accorde ne nous serviront jamais. Et surtout, on apprend à disserter. J’ai en tête quelques sujets de partiels : « A quoi sert l’Europe ? » (sujet de droit, s’il vous plait), « Mac Mahon et la République » (10 lignes sur un cours de cent pages, vous avez trois heures » ou « Drieu la Rochelle et le Communisme » (sachant que le cours portait sur le fascisme dans l’œuvre de DLR, appelons-le par son petit nom).

La troisième année, bien que plus ou moins bien vécue, reste extraordinaire, avant tout car il s’agit de notre projet. Alors certes, on force pas des masses niveau études et on passe plus de temps à organiser ses soirées que ses journées, mais on apprend des trucs essentiels : la vie en société. On rencontre des gens passionnants, on s’initie à l’art de se sortir de situations inédites et imprévues, on découvre qu’on peut être heureux loin de ceux qu’on aime et continuer à les aimer encore ; bref on élargit nos horizons.

Les deux dernières années sont de trop. En tout cas telles que je les ai vécues. J’ai rejoint un master pompeusement intitulé « Affaires Internationales et Stratégies d’Entreprises », au sein duquel je n’ai pas appris grand-chose. Certes, il ne me passionnait pas, mais je crois sincèrement que 80% des cours étaient une coquille vide.

Donc pour résumer :
  • deux années d’un vernis assez épais de culture G, où on apprend à parler de bouquins qu’on n’a pas lus, de sociologues dont on ne connait qu’une citation, de concepts économiques qui nous dépassent ;
  • une année où on apprend la vie ;
  • deux années où… j’ai du mal à voir les côtés positifs de mon master, je m’y suis trop ennuyée. Soulignons que le stage de fin d’études était intéressant, et c’est bien d’avoir fait un mémoire dans sa vie…

Peu de concret, donc. De là à affirmer d’un ton péremptoire que « Sciences Po, c’est un mythe », il n’y a qu’un pas que je ne franchirai pas. Et puis, le simple fait de retomber sur cette photo, prise par l'asso média de l'IEP un certain 21 septembre 2007, jour de la pré-rentrée de ma première année, me dissuade de démolir complètement mes études. Rien qu'à mon air perplexe en consultant les listes des admis, on voit que je suis encore surprise d'avoir obtenu le précieux passoport pour Sciences Po.




A ceux qui ricanent des « Sciences Pipo » et autres « Vous parlez très bien de ce que vous ne connaissez pas », je répondrais que oui, d’ailleurs c’est la base. Non, on n’a pas de métier : je ne suis ni coiffeuse ni banquière, ni même spécialisée dans un domaine (en tout cas je ne l’étais pas il y a un an).

Mais on est curieux, réactifs, et adaptables (et modestes).

Et on s’est fait plaisir pendant nos études.

Et surtout, surtout, on sait qu’il n’y a pas que les études dans la vie[3]. Et c’est déjà pas mal, non ?


Caro

PS : L’idée première de l’article était de relativiser la qualité de l’enseignement à Science Po. Au fur et à mesure de son écriture, je me rends même plutôt compte que j’ai envie de défendre mon diplôme. Moi, entretenir le mythe ?!

PPS : Ce n’était pas l’objet ici, mais il convient de rappeler que mes cinq années d’études, c’est avant tout Toulouse. Allez, un p'tit rappel pour la route : 





[1] Cet article ayant été entamé en mars et sa première version commençait par « Bientôt diplômée de Sciences Po ». Le « Fraichement diplômée » est la version 3.0, celle qui suite le « Tout juste », bientôt périmée d’ailleurs puisque la Remise des Diplômes a eu lieu il y a trois mois et demie.

[2] Pour ne pas heurter la sensibilité de quelque Parisien égaré sur ce bout de toile, je tiens à préciser qu’il existe une distinction entre :
  • d’une part « Sciences Po », qui regroupe Sciences Po Paris (historiquement, l’Ecole Libre des Sciences Politiques) et la Fondation Nationale des Sciences Politiques (fondation privée incluant bibliothèques, maisons d’éditios et tutti quanti), situés rue Saint-Guillaume ;
  • et d’autre part le Réseau des Instituts d’Etudes Politiques, réseau de 8 IEP « de province » fondés à partir de 1945 sur le modèle de Sciences Po.
D’après Wiki, l’appellation « Sciences Po » a été déposée en 2007 par Sciences Po Paris qui en tolère toutefois l'utilisation par les IEP de province en précisant le nom de la ville pour les distinguer, par exemple « Sciences Po Toulouse » (à ce moment précis, on s’incline très, très bas devant tant de bonté).
Quitte à heurter la sensibilité de quelque Parisien égaré sur ce bout de toile, je continuerai cet article par l’emploi de « Sciences Po Toulouse », puisque c’est toléré par nos grands frères de la capitale (à ce moment précis, on blablabla…).

[3] Même si cela nous rend service que certains le pensent.