Le précédent billet de ce blog questionnait
la possibilité qu’une ‘nostalgie heureuse’ existât. Bon an mal an, j’ai tenté d’expliquer, ou plutôt de comprendre, pourquoi je n’arrivais pas à faire de mes souvenirs heureux une valeur refuge.
Cet article tenait pour acquis qu’un moment heureux donnât lieu à un souvenir heureux. Néanmoins, au fil de l’écriture, ce postulat m’est apparu de moins en moins évident. Je n’ai pas voulu disserter sur la nature des souvenirs pour ne pas alourdir l’article, mais je me suis promis d’y consacrer un autre poste. L'objectif est donc ici de s’interroger sur la substance des souvenirs : qu’est-ce qui nourrit notre mémoire ? L’idée n’est pas de citer des philosophes que je n’ai pas lus ou de faire des références hasardeuses à des théories de psycho qui me dépassent, mais d’analyser tant bien que mal mon expérience en la matière.
Voici mon hypothèse : nous travestissons la réalité en permanence, qu’elle soit passée ou présente. Tout est affaire de perceptions, mais aussi de dispositions. Autrement dit, non seulement un même évènement sera vécu différemment par deux personnes différentes, mais également sera vécu/pensé différemment par la même personne à deux moments différents (mais peut-on alors parler de ‘même personne’ ?).
L’objectivité n’existe pas. A partir de là, comment faire confiance à nos souvenirs ? Comment être sûr qu’ils ne sont pas un vague reflet de ce qu’on a cru être la réalité ? Et pour aller loin encore dans la réflexion, ne trahissons-nous pas le passé à l’aune du présent ? Et, réciproquement, n’occultons-nous pas ce qui nous dérange ? Penser à des moments passés me rend parfois triste, car ils me manquent tout simplement, mais n’ai-je pas tendance à avoir la mémoire sélective et déformatrice ?
Je percevais confusément l’inanité des souvenirs, sans parvenir à mettre les mots justes dessus. La lecture d’un article découvert par hasard a tout éclairci. La raison d’être d’un blog est de publier le fruit de sa plume plutôt que celle d’un autre, en l’occurrence d’une illustre inconnue. Toutefois, plutôt que de les paraphraser maladroitement, ou même les plagier, je préfère reproduire les paragraphes suivants, auxquels j’adhère totalement :
Cet article tenait pour acquis qu’un moment heureux donnât lieu à un souvenir heureux. Néanmoins, au fil de l’écriture, ce postulat m’est apparu de moins en moins évident. Je n’ai pas voulu disserter sur la nature des souvenirs pour ne pas alourdir l’article, mais je me suis promis d’y consacrer un autre poste. L'objectif est donc ici de s’interroger sur la substance des souvenirs : qu’est-ce qui nourrit notre mémoire ? L’idée n’est pas de citer des philosophes que je n’ai pas lus ou de faire des références hasardeuses à des théories de psycho qui me dépassent, mais d’analyser tant bien que mal mon expérience en la matière.
Voici mon hypothèse : nous travestissons la réalité en permanence, qu’elle soit passée ou présente. Tout est affaire de perceptions, mais aussi de dispositions. Autrement dit, non seulement un même évènement sera vécu différemment par deux personnes différentes, mais également sera vécu/pensé différemment par la même personne à deux moments différents (mais peut-on alors parler de ‘même personne’ ?).
L’objectivité n’existe pas. A partir de là, comment faire confiance à nos souvenirs ? Comment être sûr qu’ils ne sont pas un vague reflet de ce qu’on a cru être la réalité ? Et pour aller loin encore dans la réflexion, ne trahissons-nous pas le passé à l’aune du présent ? Et, réciproquement, n’occultons-nous pas ce qui nous dérange ? Penser à des moments passés me rend parfois triste, car ils me manquent tout simplement, mais n’ai-je pas tendance à avoir la mémoire sélective et déformatrice ?
Je percevais confusément l’inanité des souvenirs, sans parvenir à mettre les mots justes dessus. La lecture d’un article découvert par hasard a tout éclairci. La raison d’être d’un blog est de publier le fruit de sa plume plutôt que celle d’un autre, en l’occurrence d’une illustre inconnue. Toutefois, plutôt que de les paraphraser maladroitement, ou même les plagier, je préfère reproduire les paragraphes suivants, auxquels j’adhère totalement :
« Chaque souvenir que nous rappelons à notre mémoire est immédiatement rejoué et modifié. Plus nous nous souvenons d’une chose et plus nous la falsifions, comme un disque vinyle que chaque passage du diamant écorche et use irrémédiablement. Ce que nous sommes à chaque moment change continuellement ce que nous avons été. Notre passé n’est pas immuable, il est reconstruit inlassablement par la fuite de nos présents.
Un souvenir qui n’est pas rejoué se perd. Celui qui est utilisé est corrompu. Notre conscience de nous-mêmes à travers le temps est une pure fiction autoproduite. C’est le prix à payer pour être vivant et ne pas être figé dans le passé.
J’oublie ce qui m’encombre, je thésaurise ce qui m’arrange, je m’invente chaque jour et je me recrée en permanence, je modifie le temps. »[1]
Ce que nous sommes à chaque moment change continuellement ce que nous avons été.
Un souvenir qui n’est pas rejoué se perd. Celui qui est utilisé est corrompu.
J’oublie ce qui m’encombre, je thésaurise ce qui m’arrange.
C’est exactement cela. Nous sommes certainement le produit de nos expériences et rencontres passées, mais la réciproque est vraie aussi : notre passé, ou plutôt la perception qu’on en a, évolue constamment en fonction de ce que nous sommes.
Un souvenir qui n’est pas rejoué se perd. Celui qui est utilisé est corrompu. Notre conscience de nous-mêmes à travers le temps est une pure fiction autoproduite. C’est le prix à payer pour être vivant et ne pas être figé dans le passé.
J’oublie ce qui m’encombre, je thésaurise ce qui m’arrange, je m’invente chaque jour et je me recrée en permanence, je modifie le temps. »[1]
Ce que nous sommes à chaque moment change continuellement ce que nous avons été.
Un souvenir qui n’est pas rejoué se perd. Celui qui est utilisé est corrompu.
J’oublie ce qui m’encombre, je thésaurise ce qui m’arrange.
C’est exactement cela. Nous sommes certainement le produit de nos expériences et rencontres passées, mais la réciproque est vraie aussi : notre passé, ou plutôt la perception qu’on en a, évolue constamment en fonction de ce que nous sommes.
Forte de ce constat, quelles conclusions tirer ? Si mon problème réside dans ma propension à sombrer dans la mélancolie quand une période agréable est révolue, la solution est-elle de faire l’effort de me remémorer les moments désagréables que j’ai tendance à occulter ? A me répéter que tout n’était pas si rose, à arrêter de chérir certains souvenirs ? A me consoler en songeant au fait que mes souvenirs sont de toute façon une quasi fiction du présent ?
Voilà une stratégie d’adaptation bien déprimante. Je crois au contraire que notre aptitude à occulter les mauvais souvenirs et cultiver –quitte à altérer- les bons est plutôt rassurante. Savoir qu’on se remémore plus volontiers le positif que le négatif a quelque chose de réconfortant quant à notre capacité à garder foi en l’avenir : l’essentiel étant, quand la nostalgie nous attriste trop, de nous rappeler que nos souvenirs ne sont qu’une chimère créée par un état d’esprit temporaire, et que la solution consiste peut-être à se bouger un peu pour embellir le présent plutôt que de ruminer le passé.
Voilà une stratégie d’adaptation bien déprimante. Je crois au contraire que notre aptitude à occulter les mauvais souvenirs et cultiver –quitte à altérer- les bons est plutôt rassurante. Savoir qu’on se remémore plus volontiers le positif que le négatif a quelque chose de réconfortant quant à notre capacité à garder foi en l’avenir : l’essentiel étant, quand la nostalgie nous attriste trop, de nous rappeler que nos souvenirs ne sont qu’une chimère créée par un état d’esprit temporaire, et que la solution consiste peut-être à se bouger un peu pour embellir le présent plutôt que de ruminer le passé.
[1] I. Jeannot, N’oublie
pas que tu vas mourir, Monolecte (blog), 2015 – http://blog.monolecte.fr/post/2015/06/12/noublie-pas-que-tu-vas-mourir