Mesdames, le 7 novembre dernier, à
16h34, nous étions invitées à cesser le travail pour dénoncer les inégalités de
salaire entre les hommes et les femmes. En effet, le collectif féministe les Glorieuses
s’est basé sur une étude qui montre que les Françaises sont payées 15,1% de
moins que leurs homologues masculins[1]
pour calculer qu’elles travailleront ‘bénévolement’ à partir de cette date et jusqu’à
la fin de l’année.
Ce billet n’a pas pour ambition de lister les statistiques des inégalités hommes-femmes ; vous trouverez votre bonheur en quelques clics sur le net. Je vais plutôt essayer d’expliquer pourquoi je me sens concernée. Quelques années auparavant, ma réaction face à une telle initiative aurait été 1) de sourire devant la naïveté de la démarche ou, plus probablement 2) de m’irriter devant ce que j’aurais dénoncé comme de la victimisation.
Mais ça, c’était avant. Mon point de vue d’alors : « en se donnant les moyens, on peut faire exactement comme les hommes, et on aura plus de mérite puisque cela aura sans doute été plus compliqué ». Et moi qui ne me suis jamais considérée comme féministe, et qui au contraire avais tendance à m’agacer du mouvement, voilà que je me découvre un nouveau combat.
Cet article était en gestation depuis un moment, et j’hésitais franchement à l’écrire, tellement j'estimais qu’il me ressemblait peu. L’élément déclencheur a été un vendredi matin au travail, quand, alors que la discussion tournait autour de l’imminent déménagement de nos bureaux deux étages en dessous, un collègue –chemise blanche et cheveux assortis- a eu cette remarque si cocasse : « moi, les déménagements, c’est possible que si ma femme fait les cartons ». Rien de bien méchant, donc. Un petit trait d’humour auprès des collègues. Presque de l’autodérision, presqu’un compliment à l’égard de sa compagne. On est dans le registre de l’ironie ; aucune raison de s’emporter, n’est-ce pas ?
Sauf qu’il s’agit juste d’une anecdote supplémentaire pour alimenter les chroniques du sexisme ordinaire. Car, jusqu’à preuve du contraire, l’épouse de monsieur n’a pas le gène du carton, ni sans doute la passion du déménagement.
Entendons-nous bien, les femmes ont aujourd’hui le droit d’être professionnellement égales aux hommes, et il me semble qu’elles en ont à peu près les moyens juridiques (et intellectuels. Absolument.), dans les grands Groupes en tout cas. En ce qui me concerne, je ne peux dénoncer aucun fait manifestement sexiste dans mon entreprise. Au contraire, la galanterie est de mise : on s’efface pour laisser entrer les femmes dans l’ascenseur, on ne perd jamais une occasion de les encenser, on est toujours courtois.
Les discriminations sont plus pernicieuses. Où s’arrête l’affabilité et où commence la misogynie ? Quelle est la frontière entre galanterie et paternalisme ? Le sexisme bienveillant n’est-il pas qu’une façon de renvoyer les femmes au rôle qu’on attend d’elles ? Je ne suis pas du genre à m’offenser qu’un homme me laisse passer la première dans l’ascenseur, ce qui serait le cas de nombre de féministes. Néanmoins, cela m’agace quand un collègue me remercie « d’avoir fait ce gâteau pour la fin de mon stage [sic] » (vécu), observe que les femmes sont « de toute façon plus organisées » (re-vécu), ou soutienne que « génétiquement, les femmes sont plus maternelles que les hommes ‘paternels’ » (re-re-vécu).
Je ne m’étais jamais considérée comme féministe car je n’avais jamais eu besoin de l’être, tout simplement.
Et je ne me suis jamais revendiquée féministe, jusqu’à ce que mes collègues me catégorisent comme telle.
Or, la vérité est que je ne sais jamais comment réagir face à un comportement machiste. Comment m’offusquer d’une remarque genrée sans passer pour une frustrée-aigrie-mégère ? Puis-je souligner le caractère misogyne d’une plaisanterie sans être d’emblée cataloguée de psychorigide dénuée d’humour ? Suis-je légitime à observer qu’encourager une jeune mère de famille à rentrer tôt n’est pas compatible avec l’idée communément admise que la carrière se fait dans les discussions informelles d’après 19 heures ?
Mon parti pris est de ne pas laisser passer les remarques manifestement sexistes, sans arrogance mais avec conviction, et si possible de l’humour. Le risque est de passer pour la féministe de service. Ayant fait mes études dans un environnement plutôt militant où j’étais sans doute l’une des moins vindicatives, je me dis que tout est relatif. Cependant, si la jeune génération s’incline devant le sexisme, la société n’évoluera pas. Or, et ce sera le mot de la fin, si une grande partie du chemin a été fait, il reste pour autant encore un bout de route avant de parvenir à la parité. La preuve en images, en publicités, et avec le sourire :
Ce billet n’a pas pour ambition de lister les statistiques des inégalités hommes-femmes ; vous trouverez votre bonheur en quelques clics sur le net. Je vais plutôt essayer d’expliquer pourquoi je me sens concernée. Quelques années auparavant, ma réaction face à une telle initiative aurait été 1) de sourire devant la naïveté de la démarche ou, plus probablement 2) de m’irriter devant ce que j’aurais dénoncé comme de la victimisation.
Mais ça, c’était avant. Mon point de vue d’alors : « en se donnant les moyens, on peut faire exactement comme les hommes, et on aura plus de mérite puisque cela aura sans doute été plus compliqué ». Et moi qui ne me suis jamais considérée comme féministe, et qui au contraire avais tendance à m’agacer du mouvement, voilà que je me découvre un nouveau combat.
Cet article était en gestation depuis un moment, et j’hésitais franchement à l’écrire, tellement j'estimais qu’il me ressemblait peu. L’élément déclencheur a été un vendredi matin au travail, quand, alors que la discussion tournait autour de l’imminent déménagement de nos bureaux deux étages en dessous, un collègue –chemise blanche et cheveux assortis- a eu cette remarque si cocasse : « moi, les déménagements, c’est possible que si ma femme fait les cartons ». Rien de bien méchant, donc. Un petit trait d’humour auprès des collègues. Presque de l’autodérision, presqu’un compliment à l’égard de sa compagne. On est dans le registre de l’ironie ; aucune raison de s’emporter, n’est-ce pas ?
Sauf qu’il s’agit juste d’une anecdote supplémentaire pour alimenter les chroniques du sexisme ordinaire. Car, jusqu’à preuve du contraire, l’épouse de monsieur n’a pas le gène du carton, ni sans doute la passion du déménagement.
Entendons-nous bien, les femmes ont aujourd’hui le droit d’être professionnellement égales aux hommes, et il me semble qu’elles en ont à peu près les moyens juridiques (et intellectuels. Absolument.), dans les grands Groupes en tout cas. En ce qui me concerne, je ne peux dénoncer aucun fait manifestement sexiste dans mon entreprise. Au contraire, la galanterie est de mise : on s’efface pour laisser entrer les femmes dans l’ascenseur, on ne perd jamais une occasion de les encenser, on est toujours courtois.
Les discriminations sont plus pernicieuses. Où s’arrête l’affabilité et où commence la misogynie ? Quelle est la frontière entre galanterie et paternalisme ? Le sexisme bienveillant n’est-il pas qu’une façon de renvoyer les femmes au rôle qu’on attend d’elles ? Je ne suis pas du genre à m’offenser qu’un homme me laisse passer la première dans l’ascenseur, ce qui serait le cas de nombre de féministes. Néanmoins, cela m’agace quand un collègue me remercie « d’avoir fait ce gâteau pour la fin de mon stage [sic] » (vécu), observe que les femmes sont « de toute façon plus organisées » (re-vécu), ou soutienne que « génétiquement, les femmes sont plus maternelles que les hommes ‘paternels’ » (re-re-vécu).
Je ne m’étais jamais considérée comme féministe car je n’avais jamais eu besoin de l’être, tout simplement.
Et je ne me suis jamais revendiquée féministe, jusqu’à ce que mes collègues me catégorisent comme telle.
Or, la vérité est que je ne sais jamais comment réagir face à un comportement machiste. Comment m’offusquer d’une remarque genrée sans passer pour une frustrée-aigrie-mégère ? Puis-je souligner le caractère misogyne d’une plaisanterie sans être d’emblée cataloguée de psychorigide dénuée d’humour ? Suis-je légitime à observer qu’encourager une jeune mère de famille à rentrer tôt n’est pas compatible avec l’idée communément admise que la carrière se fait dans les discussions informelles d’après 19 heures ?
Mon parti pris est de ne pas laisser passer les remarques manifestement sexistes, sans arrogance mais avec conviction, et si possible de l’humour. Le risque est de passer pour la féministe de service. Ayant fait mes études dans un environnement plutôt militant où j’étais sans doute l’une des moins vindicatives, je me dis que tout est relatif. Cependant, si la jeune génération s’incline devant le sexisme, la société n’évoluera pas. Or, et ce sera le mot de la fin, si une grande partie du chemin a été fait, il reste pour autant encore un bout de route avant de parvenir à la parité. La preuve en images, en publicités, et avec le sourire :
Caro