« Puisque l’amour dure trois ans, Paris
et moi avons décidé de mettre fin à notre relation tumultueuse ». Ainsi
ai-je introduit l’invitation à ma soirée de départ. Paris et moi, donc moi
à Paris, cette histoire qui aura duré 3 ans, 4 mois, et 7 jours, et pour
laquelle je tire ma révérence.
Cet
article, j’y ai pensé mille fois. Dans le RER le matin, en marchant sous la
pluie pour aller acheter des mauvais légumes au marché de Belleville, en
attendant un entretien d’embauche via Skype
dans l’espace de coworking de la Tour… dans le Paris-Grenoble de 19h41 le
vendredi soir, lors d’un footing, en soirée, sur mon vélo, pendant une réunion
au travail. Mille fois, j’ai imaginé, rédigé, peaufiné l’article que j’écrirais
sur ce blog pour marquer la fin de cette aventure parisienne, pour dire que je
quittais Paris, que ça y est, je rentre à la maison, plus de dix ans après
l’avoir quittée. Évidemment, entre le moment où l’heure était venue de l’écrire
et celui où j'ai versé une larme sur le Pont de Bercy, la
voiture chargée de cartons et la tête de souvenirs, le temps a filé à toute
allure. Chaque minute parisienne étant devenue précieuse, je devais profiter -bel oxymore- des derniers instants
parisiens, et j’en ai reporté la rédaction. Voilà près de deux mois que j’ai déménagé,
mais le temps d’un article, je vais tout de même essayer de retrouver l’état
d’esprit dans lequel j’étais pendant mes dernières semaines dans la capitale.
Retourner
en Rhône-Alpes, c’était rentrer en terre promise. Deux amies, installées à
Paris et également originaires de la région, avaient quitté la capitale en
2016. J’admirais : elles avaient fait leur Allyah ; l’heure viendrait
où je ferais la mienne. Ma condition était de partir avec un contrat de travail
en poche, je ne voulais pas démissionner sans « rien derrière ». Cela
m’a pris du temps, un peu d’amour-propre et pas mal d’excuses
pourries pour justifier des absences au travail, mais j’y suis arrivée.
ATA : 5 mai 2018.
Retourner
en Rhône-Alpes, c’était en premier lieu quitter Paris. Quitter cette ville qui donne
tellement, mais qui prend plus encore. Du temps, de l’énergie, de l’endorphine,
du temps, de la vitamine D, de la bonne humeur, le sentiment de liberté, un
joli teint, et encore du temps… Tout ça, Paris le vole et propose en échange
une vie sociale à 1000 à l’heure, des amis à tous les coins de rue, des
rencontres formidables, des opportunités professionnelles stimulantes et des occasions
de découvertes nombreuses et variées, partout, tout le temps.
Alors
voilà l’état d’esprit dans lequel j’étais : « Courage, fuyons ! ». Ayons le courage de fuir cette vie parisienne qui ne nous correspond plus, qui ne nous a plus ou
moins jamais correspondu, mais qui présente le confort du connu, le confort somme
toute d’une prison dorée. Car Paris est un piège : quand on y vit, la
tentation est grande de croire qu’ailleurs, c’est le vide intersidéral. Je n’ai
naturellement jamais pensé cela, en revanche je ne nie plus le fait qu’il y a
une vraie différence entre Paris et le reste, entre le rythme effréné de cette ville,
et la « Province ». Déménager, cela signifiait m’éloigner
de mes amis, démissionner d’un travail qui me plaisait bien que je n'y misse plus beaucoup de sens, renoncer à assister aux
trente ans de tel ami et à la crémaillère de tel autre, rater les copains
expats de passage en France -à Paris en l’occurrence.
A
l’instar du Togo où je suis passée par un processus de détropicalisation, j’anticipais
déjà une période de déparisianisation. Ce serait tricher que de la décrire ici,
puisque, dans la mesure où je rédige ces mots avec deux mois de retard, le
processus est pleinement entamé ! Gardons quelques anecdotes truculentes
de la Parisienne débarquée en Province pour un prochain article ; j'ai déjà quelques impairs à mon actif.
Je
fais aussi l’impasse sur la description des dernières semaines : comme
écrit plus haut, elles sont passées à toute vitesse. Il fallait profiter des copains, visiter les incontournables négligés depuis trois ans, terminer proprement son contrat de travail. L’état d’esprit était déjà
à la nostalgie, avec un sentiment diffus mais bien connu de fuite en avant.
Malgré tout, la décision était suffisamment mûrie pour ne pas être remise en
question. Et surtout, la tristesse était compensée d’une part par un vrai
soulagement de quitter cette ville, et d’autre part par un enthousiasme sans
faille, presque naïf, à l’idée de revenir dans cette région où j’ai grandi, où vit ma famille, avec les montagnes à portée de vue. Comme Perrette, je bâtissais depuis longtemps mes châteaux
en Espagne, imaginant une vie beaucoup plus simple, plus authentique
–parisianisme, quand tu nous tiens !–, rêvant de jardin, de nature, de
grand air. Après tout, quel esprit ne bat la campagne ?
Il
est beaucoup trop tôt pour amorcer un semblant de bilan, exercice pour lequel j’ai
d’ailleurs toujours été mauvaise. Je suis bien incapable de dire si cette
décision se révèlera avoir été la bonne ou pas. Je reste dans la découverte,
pour ne pas dire l’expectative, à tout point de vue. Alors bonjour veau, vache,
cochon, couvée ; espérons que je ne me retrouve pas gros Jean comme
devant.
Caro