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Le contenu de ce blog, tu l'auras remarqué, évolue de lui-même. Je voulais éviter le racontetavie.com, mais c'est finalement vers cet écueil que je me dirige, pour te tenir au courant de ma vie ici, au jour le jour.
Aujourd'hui, donc, tu auras droit en direct à mes jérémiades quant à l'administration burundaise. Je sais que c'est tragiquement banal de se plaindre des dysfonctionnements africains, et j'avais été briefée ("sometimes, you'll feel a bit frustrated"), mais voilà, quand il s'agit de les subir, c'est une autre histoire. J'avais fini mon dernier billet par une énumération pathétique de mes problèmes. Je dois donc te donner des nouvelles.
Mardi, donc, j'ai cru que c'était le summum des mauvaises nouvelles. Naïve ! Il fallait que j'attende hier pour constater qu'on pouvait faire pire.
D'abord, ascenseur émotionnel quant au problème #1, j'ai nommé le portable : j'ai retrouvé le voleur du téléphone, et même réussi à me procurer son numéro (son numéro, pas le mien). J'étais donc persuadée de le récupérer. Naïve (bis) ! Je l'ai appelé (enfin, il ne parlait que Kirundi, donc Astère l'a appelé), lui proposant même qu'on le lui rachète. Il a tout nié en bloc. Heu… pourquoi c'est toi qui décroches quand on appelle sur le numéro de Caroline ? Il a raccroché et éteint le portable. Donc j'ai tiré un trait sur mon Samsung et décidé de m'attaquer au problème #2 : mon passeport.
Comme je n'avais toujours pas d'argent (voir problème #3), Lena m'a prêté les 120 euros nécessaires pour payer le visa. Je me rends donc à la PAFE (Pitoyable Amas de Fainéants à Etrangler, parfois appelée Police de l'Aviation, des Frontières et des Etrangers) et hier, afin de récupérer le visa ET le passeport. J'arrive là-bas, la sorcière de la caisse me demande de payer en dollars (précision : la veille on m'avait expliqué que le visa coutait soit 120 euros, soit 180 dollars. Je trouvais le taux de change étrange, mais n'avais pas insisté). Je lui réponds que je n'ai que des euros. Elle me propose donc "gentiment" de donner 180 euros, m'expliquant qu'elle s'occuperait de les changer en dollars.
Là, mea culpa, je m'irrite et lui demande si elle se fout de ma gueule. Astère, qui a remarqué que j'avais le sang chaud, me vite fait taire et m'a amenée dans un bureau de change. Heureusement, j'avais pris un peu plus que 120 euros, car je me doutais que ce ne serait pas aussi simple. Je change mes euros en francs bu, puis mes francs bu en dollars, et retourne voir la sorcière. Une fois encaissé l'argent, elle m'annonce que je ne peux pas récupérer le passeport tout de suite, formalités oblige. Je lui demande donc la preuve que j'ai payé, ce qui est un minimum quand on voit la façon dont ils travaillent dans leur taudis moisi ; j'ai autant confiance en eux qu'en une bande de terroristes Corses (pardon pour ce pléonasme). Elle refuse de me la fournir.
Là, mea culpa, je me fâche. Elle finit par me donner un papier certifiant que je me suis acquittée de 180 dollars, et me dit que si je veux je n'ai qu'à aller faire la copie puis lui ramener l'original. Me voilà donc repartie à la recherche d'un bureau de tabac où je puisse photocopier cette fichue preuve. Pas de pot, dans le bureau de tabac du coin, ils n'ont plus de papier. Passons. En désespoir de cause, je me rends au poste de police, où ils doivent bien avoir une imprimante. Bon, les flics sont gentils mais pas fous, ils ont quand même facturé la photocopie. Mais au moins j'ai la preuve, et peux donc retourner voir la sorcière. A ce moment-là, elle m'annonce que le bureau est désormais fermé et que si je veux mon passeport, je peux toujours revenir le lendemain.
Là, mea culpa, j'explose. Astère m'éloigne donc de la sorcière, étant plus habitué que moi aux rouages du système. Du coup, c'est tout lui qui a pris (ce qui donne : "mais c'est quoi ce pays de malhonnêtes ? vous pouvez me citer un seul truc qui fonctionne chez vous ? vous pouvez toujours avoir de l'aide internationale, si vous êtes aussi incompétents, c'est jeter de l'argent par les fenêtres… et nanani et nanana"). Pardon Astère, j'étais un peu crispée.
Bref, on est rentrés au boulot mais je n'avais pas vraiment envie de travailler et suis donc partie, avec pour objectif de me pencher de nouveau sur le problème #1, à savoir acheter un nouveau téléphone. En chemin, je croise un ami burundais. J'ai vraiment eu de la chance de tomber sur lui. On est d'abord allés à mon opérateur, où ils annoncent qu'ils ne vendent plus de téléphone pour la journée ("peut-être demain, j'crois"… no comment!). On a donc tourné une heure dans Bujumbura –je connais maintenant tous les magasins pourris de la ville, c'te classe- à la recherche d'un portable abordable (avec carte SIM, s'il vous plait… qu'il a fallu finalement acheter séparément). Je suis donc désormais l'heureuse propriétaire d'un e606 de NEC, que j'ai confondu dans la pénombre avec le frigo. On déplie le clapet et il touche le plafond, j'adore.
J'ai décidé que c'était suffisant pour la journée.
Comme j'aime faire durer le plaisir, j'ai décidé que le problème #3 (la carte bancaire) attendra demain. Pleine de bonne volonté, j'ai préféré retourner voir la sorcière, et fini par récupérer mon passeport.
Tout finit par s'arranger, donc. Un des avantages de l'année de mobilité est qu'elle apprend à être un peu moins sentimental et à relativiser. Promis, Mère (et Sarah, et Candide, et…), je ne dirai plus jamais que les fonctionnaires français sont des fainéants.
Je voulais écrire hier, et tu aurais vu, cher lecteur, que j'étais nettement moins philosophique. Aujourd'hui, ça va mieux. J'ai la chance d'avoir l'aide de Lena et Jakob, qui sont extraordinaires ; de même que Dieudonné (le Burundais du portable) qui m'a beaucoup épaulée hier ; aussi Astère, qui a été très présent et ne s'est pas plus vexé que cela de ma crise de nerfs ("Vous les Bazūngu, vous aimez quand ça marche bien". Merci Astère pour cette intervention).
On ne citera jamais assez le pouvoir cathartique d'un blog. Qu'est-ce que ça fait du bien de cracher son venin.
Cher lecteur, merci d'avoir supporté mes jérémiades,
Bien à toi,
PS : je râle, je geins, je me plains. Mais le Burundi, c'est cool (sauf la sorcière).