Comme j'ai été rappelée à l'ordre par Mère Supérieure qui trouve que mon assiduité à entretenir cette interface laisse à désirer, voici un nouveau billet tout beau tout neuf rien que pour vous (et pour toi, donc, Mère).
En décidant ce voyage, je m'étais fait une promesse : ne passer à côté d'aucune expérience que j'aurais l'occasion de vivre ici. Conséquence : j'avais décidé que quand j'aurais l'opportunité de découvrir quelque chose, je ne tergiverserais pas, ce serait "oui". Parfois, j'ai été bien inspirée. Parfois, heu… c'est le genre de situation où on sait que quand ce sera fini on sera content de l'avoir fait, mais en attendant on cogite des pensées profondes, du genre : "Mais qu'est-ce que je fiche ici, B¤®d€l".
Allez, au pif, la messe. Astère, mon chef, m'avait promis de m'emmener à la messe. Rectification : j'avais promis à Astère qu'il pourrait m'emmener à la messe. Il n'en peut plus de travailler avec une mécréante qui refuse catégoriquement de bénir les haricots avant le repas. Nous voilà donc parties (ma bonne volonté et moi) dimanche dernier. RDV à 7h20. Oui, le matin. D'aucuns affirmeraient qu'il était inutile de se coucher. C'était le plan, avant que je ne sombre à 5 heures… Permettez que j'me la rac', j'ai même pas eu besoin de réveil -que voulez-vous, quand on est motivée… Motivée pour faire plaisir à Astère, s'entend. Parce que, dur, très dur, les chants et autres Amen qui résonne dans le crâne quand vous ne rêvez que de rejoindre les bras de Morphée. Surtout que cela a duré trois heures. C'est bien la première fois que je passe deux fois plus de temps dans une église que dans mon lit… Une église, que dis-je ? C'est dans une salle de spectacle (LA salle de spectacle de Buja, en fait) que se tenait la prière. Rideaux rouges, grooms pour servir l'hostie, crèche pour les gamins, cartons d'invitation pour les nouveaux ("ceux qui viennent pour la première fois, levez-vous, nous allons prier pour vous"). Et trois heures de fanatisme, de prosélytisme, et de show. M'enfin, soyons positifs : sociologiquement, c'était consternant intéressant ; et je suis bénie jusque l'an 2050 au moins, avec cela. Mère-Grand, avant que tu demandes : raté, c'était pas chez les Cathos, c'était des Protestants. La prochaine fois, Mère-Grand, la prochaine fois. Ou pas.
Autre soirée mé-mo-rable. Après la fête de départ d'un Français qui rentrait en Europe, je m'apprête à appeler un taxi pour rejoindre mon home sweet home. Or, des invités à la soirée allaient dans la même direction que moi. Ils me proposent donc de me "donner un lift", me ramener chez moi en Franco-Burundais. Rien d'extraordinaire, je ne peux tout de même pas classer cette anecdote dans les grandes expériences que je devais vivre au Burundi… Eh bien si. Car une fois dans la voiture, le Monsieur m'explique qu'il doit aller récupérer sa femme chez la cousine de sa mère (ou la mère de sa cousine, pardonnez cette approximation). Or, c'est très impoli d'aller chez quelqu'un sans le saluer. Nous voilà donc confortablement installés dans le salon dans la famille, à siroter bières et fanta… L'occasion de souligner l'hospitalité qui caractérise les Burundais, dont ils sont si fiers d'ailleurs. Cela dit, je me serais passée de rester une heure au milieu d'inconnus parlant une langue inconnue dans une maison inconnue. Une fois la mère/cousine remerciée, on décolle. Evidemment, il a fallu déposer la fille de la cousine chez elle. Une fois tout ce beau monde rentré, je pensais que j'atteindrais enfin ma maison. Naïve ! C'était sans compter le réservoir vide de la voiture, l'arrêt à la station essence, et la rencontre avec le collègue de travail qui remettait aussi de l'essence. Faut bien partager une bière, hein. Ou deux. Au final, près de deux heures pour parcourir 3 kilomètres. La prochaine fois, je selle un hippo. Ou pas.
Autre moment tragique. Souvenez-vous, je m'étais targuée d'avoir l'autorisation d'Astère pour conduire. J'avais accepté, ravie, en me disant que c'était quand même cool de conduire dans la jungle de la circulation burundaise. Or, ce qui devait arriver arriva. Y'a un poteau qui s'est mis au milieu de la route pendant que je reculais. Vilain poteau. Le pire est que je ne m'en suis pas aperçue (j'étais seule dans la voiture). C'est Astère, qui avec son habituel tact, est venu me voir dans mon bureau : "Dis, Caroline, est-ce que tu as prêté le véhicule à quelqu'un cet après-midi ?". "Bien sûr que non, pourquoi ?". "Hé bien, heu… quelqu'un a dû nous rentrer dedans". Come on, Astère, vous savez que c'est bibi qui suis responsable. Pour ma décharge, vous devez savoir qu'il s'agissait d'un monospace, le volant était loin, très loin (trop loin ?) de l'arrière. J'étais tout de même très penaude. Heureusement, Astère a une fois de plus réagi avec diplomatie : "Ce n'est pas grave. C'est un signe que Dieu t'envoie pour te dire que, dorénavant, tu dois regarder dans les rétroviseurs quand tu recules". Merci, Dieu, comme t'es gentil, peut-être que je retournerai à la messe dimanche prochain. Ou pas.
Pour enchainer sur un plan pas foireux : j'ai eu la chance de participer à un mariage. Invitée par l'homme que ma proprio emploie pour s'occuper des maisons mitoyennes dans lesquelles je vis, lequel mariait sa sœur. Pas de lien évident avec les mariés, donc, mais, comme je l'ai dit, je ne voulais rater aucune occasion de découvrir de nouvelles choses. Et j'ai bien fait : la cérémonie est un vrai spectacle. Certes, j'aurais zappé sans états d'âmes les deux heures de discours en Kirundi, mais le mariage est agrémenté de démonstrations de tambourinaires, de spectacles de danse, de la remise des cadeaux. C'est très différent de ce que l'on connait en Europe. C'était une chance incroyable de découvrir comment cela se déroulait, d'autant que le mariage reste un élément central de la culture burundaise.
Enfin, grâce à une amie franco-espagnole (de Toulouse !), je fais du volontariat à l'orphelinat des sœurs de Calcutta, situé à une dizaine de kilomètres de Buja. C'est très triste, et très beau à la fois. Elles font un travail formidable !
Voilà en supra-résumé quelques-unes de mes péripéties burundaises. La suite (=ce-qui-est-censuré-afin-que-l'ascendance-ne-me-fasse-pas-prendre-le-premier-avion-Buja-Paris) en live, puisque je rentre dans deux semaines.
A bientôt,
Caro
PS : les mauvaises langues remarqueront que les deux paragraphes les plus courts concernent les moments positifs. Qui a dit que j'adorais geindre ?