mercredi 28 avril 2010

Plans foireux (ou pas !)

Comme j'ai été rappelée à l'ordre par Mère Supérieure qui trouve que mon assiduité à entretenir cette interface laisse à désirer, voici un nouveau billet tout beau tout neuf rien que pour vous (et pour toi, donc, Mère).

Oui. Ils sont vivants.

En décidant ce voyage, je m'étais fait une promesse : ne passer à côté d'aucune expérience que j'aurais l'occasion de vivre ici. Conséquence : j'avais décidé que quand j'aurais l'opportunité de découvrir quelque chose, je ne tergiverserais pas, ce serait "oui". Parfois, j'ai été bien inspirée. Parfois, heu… c'est le genre de situation où on sait que quand ce sera fini on sera content de l'avoir fait, mais en attendant on cogite des pensées profondes, du genre : "Mais qu'est-ce que je fiche ici, B¤®d€l".

Allez, au pif, la messe. Astère, mon chef, m'avait promis de m'emmener à la messe. Rectification : j'avais promis à Astère qu'il pourrait m'emmener à la messe. Il n'en peut plus de travailler avec une mécréante qui refuse catégoriquement de bénir les haricots avant le repas. Nous voilà donc parties (ma bonne volonté et moi) dimanche dernier. RDV à 7h20. Oui, le matin. D'aucuns affirmeraient qu'il était inutile de se coucher. C'était le plan, avant que je ne sombre à 5 heures… Permettez que j'me la rac', j'ai même pas eu besoin de réveil -que voulez-vous, quand on est motivée… Motivée pour faire plaisir à Astère, s'entend. Parce que, dur, très dur, les chants et autres Amen qui résonne dans le crâne quand vous ne rêvez que de rejoindre les bras de Morphée. Surtout que cela a duré trois heures. C'est bien la première fois que je passe deux fois plus de temps dans une église que dans mon lit… Une église, que dis-je ? C'est dans une salle de spectacle (LA salle de spectacle de Buja, en fait) que se tenait la prière. Rideaux rouges, grooms pour servir l'hostie, crèche pour les gamins, cartons d'invitation pour les nouveaux ("ceux qui viennent pour la première fois, levez-vous, nous allons prier pour vous"). Et trois heures de fanatisme, de prosélytisme, et de show. M'enfin, soyons positifs : sociologiquement, c'était consternant intéressant ; et je suis bénie jusque l'an 2050 au moins, avec cela. Mère-Grand, avant que tu demandes : raté, c'était pas chez les Cathos, c'était des Protestants. La prochaine fois, Mère-Grand, la prochaine fois. Ou pas.

Note à moi-même: la prochaine que je pars en promenade dans la ville, je regarde le ciel avant de partir…

Autre soirée mé-mo-rable. Après la fête de départ d'un Français qui rentrait en Europe, je m'apprête à appeler un taxi pour rejoindre mon home sweet home. Or, des invités à la soirée allaient dans la même direction que moi. Ils me proposent donc de me "donner un lift", me ramener chez moi en Franco-Burundais. Rien d'extraordinaire, je ne peux tout de même pas classer cette anecdote dans les grandes expériences que je devais vivre au Burundi… Eh bien si. Car une fois dans la voiture, le Monsieur m'explique qu'il doit aller récupérer sa femme chez la cousine de sa mère (ou la mère de sa cousine, pardonnez cette approximation). Or, c'est très impoli d'aller chez quelqu'un sans le saluer. Nous voilà donc confortablement installés dans le salon dans la famille, à siroter bières et fanta… L'occasion de souligner l'hospitalité qui caractérise les Burundais, dont ils sont si fiers d'ailleurs. Cela dit, je me serais passée de rester une heure au milieu d'inconnus parlant une langue inconnue dans une maison inconnue. Une fois la mère/cousine remerciée, on décolle. Evidemment, il a fallu déposer la fille de la cousine chez elle. Une fois tout ce beau monde rentré, je pensais que j'atteindrais enfin ma maison. Naïve ! C'était sans compter le réservoir vide de la voiture, l'arrêt à la station essence, et la rencontre avec le collègue de travail qui remettait aussi de l'essence. Faut bien partager une bière, hein. Ou deux. Au final, près de deux heures pour parcourir 3 kilomètres. La prochaine fois, je selle un hippo. Ou pas.

A l'orphelinat des sœurs de Calcutta. Au premier plan, Dorien, environ 4 mois. C'est mon chouchou (je sais, c'est mal d'avoir un chouchou).

Autre moment tragique. Souvenez-vous, je m'étais targuée d'avoir l'autorisation d'Astère pour conduire. J'avais accepté, ravie, en me disant que c'était quand même cool de conduire dans la jungle de la circulation burundaise. Or, ce qui devait arriver arriva. Y'a un poteau qui s'est mis au milieu de la route pendant que je reculais. Vilain poteau. Le pire est que je ne m'en suis pas aperçue (j'étais seule dans la voiture). C'est Astère, qui avec son habituel tact, est venu me voir dans mon bureau : "Dis, Caroline, est-ce que tu as prêté le véhicule à quelqu'un cet après-midi ?". "Bien sûr que non, pourquoi ?". "Hé bien, heu… quelqu'un a dû nous rentrer dedans". Come on, Astère, vous savez que c'est bibi qui suis responsable. Pour ma décharge, vous devez savoir qu'il s'agissait d'un monospace, le volant était loin, très loin (trop loin ?) de l'arrière. J'étais tout de même très penaude. Heureusement, Astère a une fois de plus réagi avec diplomatie : "Ce n'est pas grave. C'est un signe que Dieu t'envoie pour te dire que, dorénavant, tu dois regarder dans les rétroviseurs quand tu recules". Merci, Dieu, comme t'es gentil, peut-être que je retournerai à la messe dimanche prochain. Ou pas.

Plat typiquement burundais : brochette de sangala (poisson du lac), accompagné de frites de bananes et de salade de chou. So delicious!

Pour enchainer sur un plan pas foireux : j'ai eu la chance de participer à un mariage. Invitée par l'homme que ma proprio emploie pour s'occuper des maisons mitoyennes dans lesquelles je vis, lequel mariait sa sœur. Pas de lien évident avec les mariés, donc, mais, comme je l'ai dit, je ne voulais rater aucune occasion de découvrir de nouvelles choses. Et j'ai bien fait : la cérémonie est un vrai spectacle. Certes, j'aurais zappé sans états d'âmes les deux heures de discours en Kirundi, mais le mariage est agrémenté de démonstrations de tambourinaires, de spectacles de danse, de la remise des cadeaux. C'est très différent de ce que l'on connait en Europe. C'était une chance incroyable de découvrir comment cela se déroulait, d'autant que le mariage reste un élément central de la culture burundaise.

Spectacle de danse au mariage de la sœur d'un copain.

Enfin, grâce à une amie franco-espagnole (de Toulouse !), je fais du volontariat à l'orphelinat des sœurs de Calcutta, situé à une dizaine de kilomètres de Buja. C'est très triste, et très beau à la fois. Elles font un travail formidable !

Voilà en supra-résumé quelques-unes de mes péripéties burundaises. La suite (=ce-qui-est-censuré-afin-que-l'ascendance-ne-me-fasse-pas-prendre-le-premier-avion-Buja-Paris) en live, puisque je rentre dans deux semaines.

A bientôt,
Caro

PS : les mauvaises langues remarqueront que les deux paragraphes les plus courts concernent les moments positifs. Qui a dit que j'adorais geindre ?

lundi 12 avril 2010

Le lundi au soleil...

Note de l'auteur : ce qui suit est dédicacé à Mère et Père, qui restent persuadés que je suis au trou du c** du monde.

Rassurez-vous, je n'ai pas pour projet de vous rendre jaloux en me targuant d'avoir les pieds en éventail en ce lundi matin. Non, je suis bien au bureau, tellement overbookée de boulot que j'improvise un billet.

Enfin, improvise, pas tant que cela. Aujourd'hui, je suis de bonne humeur, j'ai pensé qu'il fallait que je vous explique pourquoi.

Ce matin, alors que j'écoutais RFI en venant au boulot, le journal a été annoncé par un magnifique "RFI bonjour. Il est 5h30 en TU, 7h30 à Bujumbura et à Paris". Sans renier Crolles, Mère et Père, avez-vous déjà entendu Nicolas Demorand dire "France Inter bonjour. Il est 7h30 à Crolles et à Paris" ? CQFD.

J'étais contente, j'espère que vous l'êtes aussi.

Caro

mercredi 7 avril 2010

Colocacion #2 bis


Comme son nom l'indique, c'est de la coloc dont il va s'agir une fois encore ici –mais pas que. Mais chaque chose en son temps, et commençons par le commencement : le titre, peut-être. D'aucuns diront «Pourquoi "#2 bis" ? Elle est où, la logique ? ». Là voilà : les colocs changent, mais pas la maison. Donc ce n'est pas vraiment une colocacion #3, mais ce n'est plus la #2 non plus. J'ai donc opté pour la #2 bis.

Ainsi, Lena est partie à son tour, voilà maintenant deux semaines. Je ne pouvais pas rester seule à la maison. De toute façon, on était à la recherche de quelqu'un pour prendre la chambre de Jakob depuis un mois. Lena et Jakob avaient proposé à la nouvelle stagiaire de leur boite d'emménager chez nous. C'était donc sûr que j'aurais une coloc une semaine après le départ de Lena ; certitude très pratique, d'ailleurs, sinon j'aurais déménagé. Mais restait toujours une chambre vide.
Et finalement, l'harcèlement de ma mailing list aura porté ses fruits, puisque j'ai rencontré deux jours après le départ de Lena quelqu'un qui cherchait une maison !

Ballade dans Muramwya.

La maison est donc de nouveau pleine ! Je vis désormais avec Adeline et Yves. Finis, les cours d'Anglais à table, la maison est désormais peuplée de Frenchies. Adeline est Lilloise et Yves est, tenez-vous bien, Crollois. Crollois de Crolles, oui, vous pouvez légitimement poser la question. Je sais, moi aussi, je trouve cela d'un exotisme fou. Petite remarque pour les Toulousains : désormais, vous ne pouvez plus nier que Crolles, c'est le centre du monde. Hum hum. Cela dit, c'est une vraie coïncidence, puisqu'on s'est rencontré par un des contacts de la mailing list, que je ne connais même pas. Pour que vous imaginiez la scène, la rencontre avec Yves a donné :
"Et donc, tu bosses pour ONG suisse. T'es Suisse, d
onc ?
- Non, Française. Je suis Grenobloise.
- Non ?! Moi aussi ! - De quel village ?
- Arf, tu dois pas connaitre. Crolles, ça te dit quelque chose ?"

Ca me dit quelque chose, en effet. Nous sommes partis de la nationalité, puis avons fini par nous demander dans quel quartier nous habitions… Maintenant, on en est à évoquer nos profs du collège, après avoir surtraité le dossier "pistes des 7 Laux".
Quant à Adeline, elle a fait Science-Po Lille. Aussi, entre ma prof d'Anglais de 6° et les commentaires sur les Vallons du Pra, j'ai pu me rappeler les chants du Crit' et autres évènements IEPiens. En ce qui concerne Yves, il n'a pas fait Science-Po, mais il a pris goût aux voyages en suivant sa copine… fraichement diplômée de Science-Po Grenoble. Quand je vous parlais d'exotisme

Gitega, ville "en développement".

Le premier commentaire serait "Le monde est petit". Non. En réalité, c'est le monde de Science-Po qui est petit, microcosme privilégié où beaucoup voyagent et finissent par se rencontrer. Je ne compte plus le nombre de Français ici qui ont fait Science-Po ; j'ai même rencontré un Anglais qui avait fait son Erasmus à l'IEP de Grenoble.

Sans transition après cette observation visant à souligner une fois encore la chance que j'ai de faire ce voyage, retraçons ce week-end de Pâques, premier de la coloc #2 bis. Il fallait fêter ça, d'autant plus qu'on avait quatre jours off (le lundi de Pâques + la commémoration mardi de l'assassinat du Président, qui a déclenché la guerre). Nous avons donc improvisé une petite virée à l'intérieur du Pays. Yves n'a pas pu nous accompagner, car il était là avec son chef. L'occasion pour moi de présenter ce dernier : Ludovic Hubler, écrivain du Monde en Stop. Sorti de l'ESC Strasbourg en 2003, il décide de partir faire le tour du monde en stop. Son périple aura duré cinq ans, au cours desquels il a visité 59 pays dont l'Afghanistan, la Corée du Nord (va trouver ton visa pour la Corée du Nord, toi !), ou la Colombie. Il a même fait du brise-glace-stop pour une épopée en Antarctique. Rencontre passionnante, comme j'en fais tellement au cours de cette année. Son livre a remporté le concours machin-chose du récit de voyage, et je vous encourage à le lire ! [Edit : non Maman, non Papa, je n'ai pas (encore) pour projet de faire le tour du monde en stop].


Base de l'alimentation du Burundais : le haricot. Y'en a pour tous les gouts.

Après ce petit coup de pub (pour lequel je ne recevrai aucune indemnité, promis), revenons à notre bien plus modeste virée à l'intérieur du pays. Destination : Gitega le dimanche, puis Muramwya le lundi. Gitega est la deuxième ville du pays, comme ne le montrent pas les photos. Muramwya, c'est moche et ya rien à y faire, donc le programme consistait à crapahuter dans les collines burundaises, entre plantations de thés, champs de manioc et forêts d'avocatiers et d'eucalyptus. Super week-end, au final, même si le chocolat de Pâques manque un peu…

Gitega.

Ce billet est déjà trop long, et pourtant je ne résiste pas à vous raconter une petite anecdote amusante. De retour de Muramwya hier, nous ne prenons pas un bus comme à l'aller, mais un Bagdad, c'est-à-dire un taxi collectif. Rien que le nom du concept fait rêver. A sept dans le taxi, petite voiture dans laquelle on serait serré à cinq. Trois devant (deux sur le siège passager. Si, si, c'est possible), quatre derrière, plus le coffre plein de bananes. Rassurez-vous, j'ai tout de même réussi à m'endormir, on ne change pas les bonnes habitudes (réveillée par un bout de banane qui m'a perforé l'oreille ; j'aime). A l'approche de la ville, le chauffeur s'arrête, en met deux dehors, appelle deux vélos qui attendent là, pose les deux sur le vélo, puis nous repartons – à cinq, donc. Nous continuons un peu, passons un barrage de flics, puis nous arrêtons de nouveau juste après le virage suivant. Là, nous attendent les deux expulsés, tandis que les vélos font demi-tour. L'explication, vous l'aurez comprise, était que le chauffeur sous-loue les services de taxi-vélo pour franchir les barrages de flics, puisqu'il transporte trop de passagers. Professions de cyclistes : passeurs de clients de taxi clandestin, ou nègres pour chauffeur de taxi. J'ai trop ri.

Alternative au Bagdad : se faire "lifter" par un camion. Sur la route de Muramwya.

Allez, j'arrête là, sinon vous ne voudrez plus venir.


Bises à tous,


Caro

PS : Une fois n'est pas coutume, la plupart des photos ne sont pas de moi, mais d'Adeline, plus téméraire que moi pour sortir l'appareil en ville.