lundi 29 mars 2010

Bujumbura


Voilà dix semaines et demie que cette ville est mon cadre de vie, il est temps que je vous fasse un peu partager ce que j'ai eu le temps de découvrir. D'abord, merci wiki, Bujumbura, capitale du Burundi, compte environ 800 000 habitants. Elle est située à 800 mètres d'altitude et se trouve à l'extrême nord-est du lac Tanganyika, au nord-ouest du Burundi (cf. carte).


Sur la vue de satellite ci-dessous, chipée à Google earth, on situe assez bien toutes ces caractéristiques, bien que je ne connaisse pas l'échelle (grosso modo, il y a 15 km entre Bujumbura et Gatumba).



La ligne jaune marque la frontière. La Réserve de la Rusizi est sur le delta de la rivière de la Rusizi (cf. article précédent). Ce que j'ai indiqué comme "les plages" sont les plages (sans blague ?!) dont je vous ai déjà parlées : Bora-Bora et Saga Beach. Au nord, la plaine de l'Imbo, que j'ai déjà mentionnée dans d'autres billets. A l'est, on devine le relief vallonné: Buja est donc nichée entre le lac et les collines.


Ce qu'on appelle Bujumbura correspond à la Province Bujumbura-Mairie, par opposition à la province Bujumbura-Rurale, en banlieue de la ville. En d'autres termes, la ville constitue à elle seule une province, de la même façon que Paris est un département.


Bujumbura-Mairie est constituée de plusieurs "communes", qui ont été peu à peu intégrées à la ville. Au sud, ce sont les quartiers de classe moyenne, au nord, les bidonvilles. Le centre à proprement parlé est divisé en quartiers. Entre ces quartiers, il y a une réelle différence encore. Pour continuer le parallèle avec Paris, les communes des banlieues correspondent aux départements de l'Ile-de-France, tandis que les quartiers sont comparables aux arrondissements. Le plus simple est que vous vous repériez sur le plan, scanné à partir du Petit Futé :

La carte assimile les quartiers du centre aux communes des banlieues : Musaga (au sud-est), par exemple, est une commune, de même que Kinama ou Citibitoke (au nord) ; tandis que Bwiza ou Kabondo sont des quartiers. Mais la nuance est vraiment infime.


L'hypercentre est entouré par le boulevard du 28 Novembre et l'avenue de l'Université, qui forment le périph : il est donc constitué des deux Rohero et du quartier asiatique. Ne pas croire –comme moi !- que ce dernier est un Chinatown, c'est le quartier arabe/indien/pakistanais. Il est donc majoritairement musulman, et on y parle surtout le Swahili. C'est le quartier des riches commerçants.


L'autre quartier chic est le Kiriri (à l'est de la ville). Là, ce ne sont pas les résidences des riches, mais celles des dirigeants. Le Président, la plupart des ambassadeurs, et tous ceux qui ont un minimum de pouvoir se doivent d'y vivre. La guesthouse où j'étais au début se situe à la frontière du Kiriri, sur le 28 Novembre.


Aujourd'hui, j'habite dans une rue perpendiculaire à l'avenue de l'Université (donc plutôt au nord de la ville), à la frontière du Bwiza, mais toujours côté Rohero II. Bwiza est un autre quartier musulman de la ville, mais à la différence du quartier asiatique, c'est un quartier populaire. Et c'est incroyable comme la différence est marquée de part et d'autre de l'avenue de l'Univertisté. D'un côté à l'autre, on passe du centre riche à l'animation populaire, aux brochettes de chèvre et autres épis de maïs qui cuisent sur une plaque rouillée au bord des rues non pavées.


Ces deux rues se situent exactement l'une en face de l'autre. A gauche, la rue de la Sagesse, perpendiculaire à celle de l'Université, côté Rohero II. A droite, la Xième avenue, perpendiculaire à celle de l'Université, côté Bwiza. Le contraste est marqué, non ? NB : j'habite rue de la Sagesse, le portail blanc à gauche est l'entrée de chez moi.


Si vous voulez situer vraiment sur la carte (vous pouvez l'agrandir en cliquant dessus), j'habite à côté de la Paroisse Saint-Michel. D'ailleurs, à l'approche de Pâques, celle-ci rivalise avec la mosquée du Bwiza, elle parvient presque à couvrir les Allah wouak ba du matin. Presque. Passons.

Je travaille dans le Rohero I, à la frontière avec le quartier Asiatique, pas très loin du Musée Vivant, à 2,5 km de chez moi.


Le centre ville de Bujumbura du quartier Kabondo au sud à ceux de Buyenzi et Kwijabe au nord.


Le carré gris à mi-chemin est le toit du marché central, situé Chaussée Prince Louis Rwagasore (c'est l'une des deux principales rue de la ville, avec le Boulevard de l'Uprona, qui lui est parallèle). Le marché est un endroit très animé, les rues alentours sont toujours bondées.


A côté du marché central



La circulation à Bujumbura est très… innovante. La connaissance du Code de la Route par les habitants de Bujumbura doit être comparable à celle de la Thora par les moines bouddhistes. Le klaxon sert de panneau "stop", de "cédez-le-passage", d'insultes, de salutations amicales, de clignotants parfois, à voir selon les circonstances... Des feux tricolores ont été installés il y a quelques années, mais il parait qu'ils ont été volés la nuit suivante. Donc, à la place, il y a les flics, qui font également guise de ronds-points. Photo à l'appui. Les routes principales sont goudronnées, les routes secondaires pavées ou en terre.




Niveau touristique, pas grand-chose à visiter, si ce n'est le musée vivant, un zoo. Les bâtiments officiels sont très moches. En revanche, la ville abrite de nombreux restaurants, dont certains très bons, l'unique cinéma du pays, quelques bars à standard européens, une dizaine de boites de nuit, et… le seul supermarché burundais, Dimitri. Les Burundais achètent leurs produits sur les marchés, ou à des vendeurs ambulants. En outre, des dizaines de petites échoppes se trouvent partout en ville, où on trouve à peu près de tout. Pour trouver des produits occidentaux ailleurs qu'à Dimitri, il faut aller dans une "alimentation", petite épicerie de quartier.




Les habitants de Bujumbura sont les Parisiens du Burundi. Pléonastique, dites-vous ? Je parle au niveau mentalité : ils pensent que tous les Burundais qui vivent à l'intérieur du pays (= la province) sont des pouilleux. Et l'honnêteté me pousse à reconnaitre que le fossé semble en effet profond entre Buja et l'intérieur. Je ne suis pas encore allée dans les deux autres grandes villes du pays, Gitega et Ngozi, donc j'ignore si la capitale est vraiment la seule ville "développée" (les guillemets sont là pour rappeler que tout est relatif…). Les habitants de Bujumbura, même s'ils n'ont pas forcément accès au confort occidental ont une idée de ce que c'est. Tout le monde a déjà vu un ordinateur, a un téléphone portable ; la plupart a l'eau courante et l'électricité, et connait les loisirs des Bazūngu tels que les boites de nuit, etc. Ce n'est pas toujours le cas à l'intérieur. Astère m'a expliqué que dans son village natal, on pouvait rester une semaine sans voir une voiture. Chaque colline est dotée d'au moins un puits et donc la plupart des Burundais ont l'eau potable dans leur village, ce qui fait une grande différence avec le fait d'avoir l'eau courante. Bref, je ne veux pas tomber dans la caricature, mais je crois qu'il y a quand même plus de différences entre un Bujumburais (à ceux qui se posent la question : non, on ne peut pas dire Bujumburais, mais vous voyez le concept, hein ?!) et un Intérieurien (à ceux qui se posent la question : non, on ne pas dire Intérieurien non plus, mais vous voyez toujours le concept, hein ?!) qu'entre un Parisien et un Provincial. L'écart est peut-être équivalent à celui qui existe entre le Versaillais et le Monsieur de la Montagne de Gad Elmaleh, et encore…


Cela dit, ceux qui ont voyagé dans les pays voisins m'ont expliqué que Bujumbura reste largement sous-développée par rapport à Kigali, Kampala, Dar al Assam, Nairobi,… Les coupures d'électricité sont quotidiennes ou presque, la ville est très sale (en deux mois et demie, je n'ai pas repéré une seule poubelle publique dans la ville : les déchets sont jetés dans la rue), et les infrastructures restent heu… voilà, quoi.


Néanmoins, la sécurité y est plutôt bonne, et il n'y a aucun souci pour se balader la journée. Dès 19 heures, en revanche, il faut éviter de se promener à pied, même si on est en groupe.


Voilà pour une petite présentation de la ville… je ne sais pas si j'ai réussi à vous donner une idée de la vie ici, ni si je n'ai pas été trop ennuyeuse avec mes explications approximatives ("à gauche de la droite derrière le centre, vous trouverez…"), ni trop didactique, mais je vous montrerai plus de photos à mon retour pour illustrer tout ça.


J'espère que tout va bien pour vous,


Caro


PS : la plupart des photos ne sont pas de moi, qui n'ai toujours pas osé dégainer mon appareil en ville, mais de l'ancienne coloc de Lena et Jakob (la fille dont j'ai pris la chambre). Merci à elle.

mercredi 17 mars 2010

L'Hippo est le meilleur ennemi de l'Homme

Au programme de ce dimanche, visite de la réserve naturelle de la Rusizi, à une dizaine de kilomètres au Nord-Ouest de Bujumbura. Ce parc national tire son nom de la Rivière Rusizi, une des principales sources burundaises d'alimentation du lac Tanganyika, et frontière naturelle entre la RDC et le Burundi (la frontière politique ne suit pas exactement le tracé, mais grosso modo, on s'y retrouve. Sauf au niveau du lac, où la frontière se trouve à quatre kilomètres du delta de la Rusizi). La rivière traverse la plaine de l'Imbo depuis les montagnes. Mais no sé si elle prend sa source le relief burundais ou congolais. Voilà pour l'aperçu géographique.

Une des branches du delta de la Rusizi, qui se jette dans le Tanganyika en son point le plus au nord.

Une fois sur place, on oublie complètement qu'on se trouve à seulement quelques minutes de la capitale. La réserve se trouve juste après le village de Gatumba, où l'électricité doit être un luxe rare et où les maisons sont en terre et en paille. Et, preuve irréfutable qu'on est déjà à la campagne malgré la proximité de Buja, on a eu droit à l'escorte royale réservée aux touristes (comprenez : tous les enfants du coin nous suivaient en criant "Bazūngu !")… Objectif ambitieux de la journée : voir hippos, oiseaux, et soyons fous, crocos. Bref, nous étions venus découvrir les "merveilles de la nature", comme nous l'explique ce panneau très prometteur.


Et nous n'avons pas été déçus, puisque nous avons finalement eu la chance de voir un crocodile ! Ce qui est parait-il très rare. Astère m'avait dit "Bien sûr, tu peux des crocos au Burundi. Va au musée vivant, y'en a un". Le musée vivant, c'est un zoo. J'ai donc classé cette perle parmi les finesses d'Astère ; et avait renoncé à en voir un autrement que derrière une cage rouillée. J'étais donc d'autant plus contente dimanche ! Bon, l'honnêteté me pousse à reconnaitre que si le guide ne m'avait pas dit que, si, la vague trainée jaunâtre que j'apercevais au loin à travers mes jumelles était bien un crocodile, j'aurais juste pensé que l'eau était un peu plus sale ici qu'ailleurs. Mais cela, je vous le dis parce qu'on est entre nous, mais attendez-vous à m'entendre lancer sur le ton de la conversation des "Bah bien sûr, au Burundi, j'ai vu des crocos en liberté, pourquoi ?", et autres "Quand je voyais un croco... blablabla"...

Vous comprendrez donc que je n'ai pas de photo, hum ? Mais pour me faire pardonner, voici en exclu les hippos :


J'ignore ce que vous en pensez, mais nous, on trouvait un peu frustrant de les voir roupiller tranquillement. On a donc râlé un peu ("Mais heeeeuuuu pourquoi ils bougent pôôôôôôô ?"). Message reçu par le guide, qui a envoyé les gamins du coin aller nager avec eux, histoire de les réveiller un peu. Est-il nécessaire de soulever que l'hippopotame est le second animal le plus meurtrier au monde, après le moustique et sa malaria ? Mais ce n'est qu'une considération de Muzūngu, et les gamins se sont gaiement jetés à flotte.


On a également vu beaucoup d'oiseaux superbes, ce qui m'a fait réaliser que les oiseaux migrateurs migrent bien quelque part. Cigognes, hérons, tisserands,… y'en avait tout plein (qu'on voit mal sur les photos, alors je vous mets les fleurs pour compenser) !

La journée s'est finie à la plage, car pauvres touristes, nous n'avions pas spécialement envie d'aller plonger avec ces bestioles…

Bises à tous,

Caro

vendredi 5 mars 2010

Random Burundi


Enfin un nouvel article tout beau tout neuf pour nettoyer le précédent au titre peu racoleur. Au menu aujourd'hui, quelques anecdotes so Burundaises ! Oui, Sarah, attends-toi à du CCA ! Je sais que vous avez déjà eu le droit à ce type de billet, mais hé !, on ne peut pas se renouveler aussi vite que la garde-robe de Victoria Beckam, sorry ! Et puis j'aime bien cette formule. Seul problème : les illustrations illustrent rarement le propos, souvent inillustrable.


Arrivée dans un supermarché pour acheter quelques Fanta (boissons, en Franco-Kirundi). Je repère une caisse de Coca-Cola, perfect ! Je m'approche pour m'en emparer, mais suis brusquement interrompue par un vendeur. Explication : "Ho non ! Celles-là ne sont pas à vendre, après c'est moi qui dois réapprovisionner les stocks". Plait-il ? Ca vous est déjà arrivé de vous faire jeter à Carrouf' parce que vous vouliez acheter un produit ?


Rumonge


La semaine dernière, j'étais à Rumonge, dans le sud du Pays (Bujumbura est plutôt au nord), pour participer à une Table Ronde organisée par l'ONG qui m'exploite pour laquelle je m'investis allègrement. Le but était de réunir les membres du système judiciaire pour discuter des causes du disfonctionnement de la Justice. Tout un programme, je vous l'accorde. Bref, en pleine discussion, un OPJ (Officier de la Police Judiciaire) s'est levé et a constaté : "Le vrai problème aujourd'hui qui fait que les enquêtes sont longues, c'est que les infractions ont lieu trop loin du poste de police". J'invite donc tous les malfaiteurs burundais à contribuer à l'établissement d'une Justice efficace en essayant de commettre des crimes à proximité des postes de police. J'ajoute qu'il serait sympa de leur part de le faire pendant les heures de service de la police. Merci d'avance pour leur compréhension.


Sur la plage de Rumonge


Sinon, grande nouvelle ! Après six semaines d'abstinence conduitoïdale pendant lesquelles j'étais censée m'acclimater au trafic chaotique de Bujumbura, Astère m'a déclarée apte à la conduite. J'ai donc fait mes premières manœuvres hier, avec un quatre-quatre automatique trop trop bien, et ce conseil avisé : "souviens-toi qu'il n'y a pas de priorité. Ce qui compte, c'est l'intention. Regarde le conducteur d'en face et décide si tu peux y aller avant lui". Seul minuscule bémol : le volant est à droite, et la conduite aussi. Ne cherchez pas la logique, il n'y en a pas : juste un passé colonial belge qui fait qu'on roule à droite, et une économie heu… déséconomisée, qui fait qu'on achète les voitures asiat' qui ont le volant à droite. Va faire tes angles morts avec le volant à droite, tiens.



Spectacle de tambourinaires, donné sur Saga Beach. Enfin, "donné", façon de parler...


Je vous l'ai déjà dit, le Congo, ça me plait (surtout depuis que la saison des pluies a commencé, quand il s'arrête de pleuvoir, l'air est très pur, on voit super bien !). Un peu moins depuis la semaine passée. On était à Saga Beach, une plage au nord de la ville, en train de manger une brochette ! Au milieu du repas, mon coloc (je n'ai toujours pas résolu le problème d'un "l" ou deux à "coloc". Help!) remarque, l'air de rien, qu'on "est en train de se canarder au Congo". Effectivement, on a vu des balles de fusil puis des grenades éclairer la nuit congolaise. A tous ceux qui doutent, oui, je peux affirmer que c'est assez traumatisant de se dire "Un homme vient d'exploser là-bas" en mangeant du poisson sur une plage paradisiaque.



La plage de Saga, avec en arrière plan Bujumbura.


Pour finir, pas vraiment une anecdote mais une des nombreuses finesses d'Astère qui m'a confié, de façon totalement décontractée : "Moi, quand je prends un taxi-moto, je demande à conduire et je mets le chauffeur derrière. Comme ça je suis sure que le conducteur a le permis". J'adore.


Voilà, c'est tout pour aujourd'hui. J'espère que vous allez tous bien et que la vie est belle là où vous êtes. Pour ma part, ça va, sauf que mon coloc Jakob est parti et Lena part bientôt, et que décidément, s'il y a un truc que je déteste dans cette année de mobilité, c'est les "au revoir"!


A bientôt,

Caro